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mardi 20 septembre 2011

Pour Travail en centres d'appels téléphoniques

Les centres d'appels téléphoniques (de l'anglais « call centers ») demeurent un secteur d'activité à forte croissance. Des téléopérateurs y traitent des informations à l'aide de systèmes téléphoniques, couplés à des postes informatiques. Dans certains centres, le travail est perçu comme pénible en raison de l'organisation et des conditions de travail. Les plaintes les plus souvent relevées portent sur la charge de travail excessive, le manque d'autonomie et l'environnement bruyant. Ces aspects sont à la source d'un turn-over particulièrement important. Cependant, l'intensification du travail qu'ils peuvent refléter ne concerne pas tous les centres d'appels : des choix organisationnels adaptés et des aménagements ergonomiques peuvent améliorer les conditions de travail du salarié.

 Les centres d’appels téléphoniques ont connu et connaissent une croissance importante : 3 000 en 2002, 3 500 en 2004 en France.
Implantés en interne ou externalisés, à faible ou à forte valeur ajoutée, ils se caractérisent par un rythme de travail intensif et des modes d’organisation faisant penser à des formes plus anciennes de travail (taylorisation). Les salariés employés dans ce secteur (estimés à 210 000 en 2004) peuvent être soumis à des conditions de travail astreignantes :

  sur le plan physique et perceptif : niveaux sonores élevés, contraintes visuelles du travail sur écran ;
sur le plan mental et émotionnel : succession et juxtaposition de tâches courtes, cadences élevées, agressivité des clients.

Dans certains cas, l’organisation du travail n’autorise pas l’instauration d’un esprit d’équipe qui pourrait contrebalancer certaines de ces difficultés.
Des solutions existent pourtant : elles s’appuient sur l’amélioration de l’organisation et des conditions de travail, ainsi que sur l’aménagement des espaces.
Ce dossier présente une synthèse d’informations sur le sujet et propose des actions concrètes de prévention.



Qu’est ce qu’un centre d’appels téléphoniques ?

Les centres d’appels téléphoniques (encore appelés « centres de relations clients », «centres de relations client à distance », « plateaux d’accueil clientèle », « centres de téléservices », « centres de télémarketing ») servent d’interfaces entre les entreprises (ou les administrations) et leur clientèle. Ils gèrent des appels téléphoniques « entrants » et / ou « sortants ».

Il s’agit d’un secteur d’activité qui a connu un développement récent, se traduisant par un accroissement fort des effectifs. En 2004, la France comptait 3 500 centres d’appels téléphoniques.

Plusieurs définitions du centre d’appels téléphoniques existent
« Structure basée sur le téléphone et l’informatique qui permet une communication directe et à distance entre un interlocuteur (client, prospect, adhérent, usager…) et une personne, communément appelée téléopérateur, qui représente l’entité à l’origine du centre d’appel (entreprise, association, collectivité locale…), afin de répondre au mieux aux besoins des usagers et/ou de développer la relation clientèle sous toutes ses formes. » (Institut des métiers de France Télécom, mars 1999)

« Collectif de salariés exerçant à temps complet ou partiel leur activité par le biais du téléphone, en lien avec un système informatique pourvoyeur de ressources (base de données client, etc.), mais aussi système d’organisation et de contrôle de l’activité. » (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail / ANACT)

Deux logiques de relation clientèle dans les centres d’appels
Logique « intensification du travail »
Dans une société de vente par correspondance, les employés sont chargés de répondre aux questions des clients et de leur proposer des produits. Le travail est vécu comme étant monotone et répétitif car les opérateurs doivent suivre une trame relativement stricte. Ils ont peu d’autonomie. Les tâches sont parcellaires (par exemple, la tâche de développement d’argumentaire de vente est réalisée par un service ; celle d’établissement d’un contrat de vente est à la charge d’un autre). Dès qu’une demande ne correspond pas aux attributions d’un téléopérateur, il doit le transférer à un service habilité. Le contrôle du travail des opérateurs par le superviseur est permanent. Un suivi statistique quotidien issus des données informatiques enregistrées en temps réel est également effectué. Les écoutes inopinées donnent lieu à des entretiens dans un but d’amélioration des performances. Les systèmes de surveillance laissent peu de place à la confiance accordée aux opérateurs, qui ne disposent quasiment d’aucune autonomie dans leur travail. Les compétences sont peu valorisées et le travail est déqualifié. Les possibilités d’évolution de carrière sont très limitées.

Logique « qualitative »
Dans une société de développement de logiciels, des experts en informatique sont chargés de répondre aux appels des clients dans le but de les aider à utiliser une application logicielle. Leur expérience en tant qu’informaticien est nécessairement de longue durée. Leurs connaissances sont à la fois théoriques et pratiques. Leur compétence est reconnue par les pairs, la hiérarchie et également par les clients qui bénéficient de conseils de haut niveau technique. L’autonomie des experts est large ; ils peuvent avoir recours à des pratiques informelles pour faire face à l’imprévu. L’entreprise leur fait confiance. La qualité du service est centrale pour l’entreprise. Le contrôle quantitatif et l’homogénéisation du travail ne constituent pas des axes prioritaires : mieux vaut un client satisfait qu’un appel traité en un temps record. La formation et l’expertise sont valorisées. Des échanges avec les collègues sont possibles, voire souhaitables pour le partage des savoir-faire et l’enrichissement des connaissances. Les responsabilités sont partagées. La gestion des compétences (relationnelles, techniques et technologiques) est importante dans l’entreprise.
Une organisation et des conditions de travail qui peuvent varier suivant les objectifs de l’entreprise et les caractéristiques de son marché

Il existe des centres d’appels combinant des caractéristiques de l’une et de l’autre de ces approches. Les contraintes seront différentes selon que l’on s’approche de l’une ou l’autre de ces logiques.


Principales caractéristiques

Sous une dénomination commune, les centres d’appels téléphoniques regroupent une grande variété d’activités. Avec pour principe commun la connaissance des besoins et des attentes du client, ces activités vont de l’assistance (aide juridique, soutien technique) à l’enquête par téléphone et au télémarketing, en passant par des activités de gestion commerciale (prise de commande)...

Les centres d’appels peuvent être implantés au sein de l’entreprise comme ils peuvent être externalisés (sous-traitance). Ils concernent le secteur public comme le secteur privé.
En termes de fonctionnement, ils peuvent réceptionner des appels (on parle d’« appels entrants » dans les cas d’assistance technique, d’accueil ou d’information) ou en émettre (« appels sortants » pour les activités de prospection ou de télémarketing).
Les actions réalisées par les centres d’appels peuvent être ponctuelles (pour une campagne de télévente par exemple, la réalisation d’un sondage) ou s’inscrire dans la durée (activités d’assistance, support informatique, ou service bancaire à distance).

Les centres d’appels téléphoniques constituent un domaine d’activité à part entière, du fait d’un certain nombre de caractéristiques propres :
  le couplage téléphonie – informatique
l’organisation du travail, caractérisée par des tâches parcellaires précisément définies et par un contrôle hiérarchique important
l’évaluation de l’activité qui se traduit par le suivi de la performance des salariés.

Ce secteur d’activité est caractérisé par une évolution constante. Les tendances actuelles s’orientent vers une meilleure qualité de service (voir plus haut notre encadré « Logiques rencontrées ») et une diversification de l’activité, par l’intégration de services web et de messagerie électroniques.


  Outils
Le fonctionnement des centres d’appels téléphoniques s’appuie sur différents outils technologiques :
  Le central téléphonique dirige les appels provenant de l’extérieur, soit vers le premier poste libre, soit vers l’équipe en charge du client.
La connexion avec le client peut être réalisée via un serveur vocal interactif qui gère la partie préliminaire de la communication (identification de l’objet de l’appel, des références du dossier…).
 
Casque d’écoute et poste informatique utilisés dans un centre d’appels téléphoniques
  La distribution automatique d’appels permet la reconnaissance du numéro appelant pour le rediriger vers le téléopérateur en charge du dossier.
Dans le cas d’un centre d’appels utilisant une liste de numéros téléphoniques à contacter (fichier clients), un numéroteur prédictif permet le lancement automatique d’une vague d’appels sortants (vers l’extérieur).
Le couplage téléphonie informatique (ou CTI) est employé pour la consultation ou la saisie, en temps réel, d’informations dans la base de données clientèle.

D’autres types d’outils sont utilisés, dont des scripts (encore appelés « discours clients », « chartes verbales » ou « plans d’appels »), fixant le déroulement du dialogue avec le client, ou des supports visuels spécifiant les éléments incontournables de l’entretien téléphonique.

Ces outils, selon la façon dont ils sont utilisés, peuvent générer un certain nombre de contraintes et contribuer à créer des tensions pour le téléopérateur.

Personnel
A une multitude d’activités (conseil technique, prise de commandes, prospection) correspond une multitude d’intitulés de postes : téléconseiller, hotliner, téléacteur, téléopérateur, télévendeur… Il s’agit ici du personnel « en première ligne », qui réceptionne ou émet les appels.

Ces téléopérateurs sont placés sous la responsabilité d’un superviseur, également appelé animateur, responsable de groupe, ou manager d’équipe. Ce dernier encadre généralement une dizaine de téléopérateurs. Jouant à la fois le rôle de formateur à l’écoute de son équipe et de surveillant poussant à la productivité, il est lui aussi soumis à des impératifs de productivité et de qualité.

La plate-forme téléphonique est quant à elle supervisée par un chef de plateau, ou tout autre responsable.

Profil-type du téléopérateur
Age peu élevé (moins de 30 ans).
Niveau de qualification relativement élevé (fréquemment Bac +2).
Majoritairement de sexe féminin.
Rémunération plutôt faible étant donné le niveau de qualification (avec cependant des différences notables selon les centres d’appels).
Souvent isolé face à l’organisation, du fait de l’absence d’une insertion dans un collectif.

Témoignage d’Olivier, téléopérateur de 35 ans, travaillant dans un centre « multi-clients » : « Je connais mon chef, mais je sais pas qui sont mes collègues. Ici il n’y a pas d’équipe, on n’est pas solidaires… ».

Organisation du travail
L’organisation du travail dans les centres d’appels est particulière, qu’il s’agisse de séparation des tâches ou du suivi de l’activité. Les dispositifs de suivi sont à prendre en compte lors de l’évaluation des risques et des conditions de travail (tension, anxiété…).

  Séparation des tâches
Les procédures de travail (scripts, phrases type, durée des appels…) sont souvent définies dans l’entreprise par un service dédié à cette tâche (bureau des méthodes, service qualité…).
Le contrôle de la bonne application de ces procédures est assurée par l’encadrement de proximité (superviseur).

Comme les salariés d’usine du début du siècle dernier, les téléopérateurs effectuent un travail suivant un schéma préétabli et doivent faire face à une grande répétitivité des tâches. Par ailleurs, ils peuvent être engagés dans différentes formes de rémunération au mérite (primes, trophées, etc.).

Ces principes sont proches du système élaboré par Taylor au début du XXe siècle : certains les considèrent comme une « industrialisation » d’activités tertiaires.

Système des écoutes
Dans tout centre d’appels, des écoutes téléphoniques peuvent être pratiquées. Elles portent sur le respect du script, le traitement correct des appels…
Les écoutes sont effectuées par la hiérarchie, voire le personnel de formation ou les responsables qualité. Elles présentent un intérêt pédagogique pour le téléopérateur nouvellement formé, un objectif d’homogénéisation dans le traitement des demandes des clients et dans le langage utilisé. Elles remplissent une fonction de surveillance de l’application des procédures établies et de contrôle qualité.

Autres suivis de l’activité
Différents systèmes (affichage mural ou à l’écran) informent en temps réel les téléopérateurs de leurs performances : durées des appels, nombre d’appels et délais d’attente des clients, classement des performances par rapport aux autres téléopérateurs...

Un travail sous fortes contraintes
Dans nombre de centres d’appels, les téléopérateurs sont soumis à des normes de rendement (nombre d’appels par jour, durée moyenne des échanges, obligation de résultat, objectifs de vente…). Ces objectifs peuvent être établis au niveau individuel et/ou collectif. Ainsi, plus de deux tiers des salariés du secteur estiment être soumis à de fortes contraintes temporelles. Une mesure en temps réel des performances par des systèmes informatiques et une surveillance constante par la hiérarchie renforcent cette sensation de contraintes.
De plus, les téléopérateurs sont amenés à respecter des procédures pour la conduite des entretiens téléphoniques (scripts, supports visuels…). Elles fixent le déroulement requis du dialogue et spécifient les éléments incontournables de l’entretien avec le client. Celles-ci constituent des supports utiles pour le téléopérateur (surtout pour les débutants), mais elles ne lui laissent que peu d’autonomie dans la gestion de l’appel, et de façon générale, dans son activité.
« J’aimerais pouvoir me lever, faire quelques pas, simplement pour vider la tension… Mais ici, tout est fait pour qu’on ne se lève pas. On est scotché à sa place, attaché par le fil du téléphone, bloqué face à l’écran » (Magali, 26 ans)
 

Un téléopérateur en entretien téléphonique avec saisie simultanée de données
Ces contraintes réduisent les occasions d’échanges avec les autres téléopérateurs : pauses décalées, difficultés des échanges informels et plus généralement des rencontres collectives. Or, toutes les études montrent que le soutien par le collectif facilite la gestion des situations stressantes.

Le travail de téléopérateur impose d’afficher des émotions (« sourire au téléphone », calme, cordialité forcée, empathie…) qui ne sont pas nécessairement ressenties. Sur le long terme, la dissimulation de ses émotions réelles (agacement, fatigue, colère…) crée des tensions qui peuvent conduire à des troubles psychologiques.
« Parfois, ils vous insultent. Il faut garder le sourire et rester aimable, même quand ils vous traitent d’incapable… » (Sophie, 32 ans)



Santé des salariés dans les centres d’appels téléphoniques

Témoignage de Stéphane, 27 ans, conseiller clientèle en centre d’appels depuis un an
« Le plus difficile, le plus pénible, c’est de répéter. Ce sont des appels tout le temps. Dès que ça raccroche, un autre appel arrive. C’est ça qui est fatigant. C’est de rabâcher sans cesse la même chose, jusqu’à ce que les clients disent « oui ». Et au prochain appel, le client redemandera la même chose. C’est usant. En plus, on devine ce que le client va dire avant qu’il ne le demande. Moi, je suis assez rapide dans le traitement des appels. Je vais vite, je pourrais prendre plus mon temps. Mais je préfère enchaîner. Car si j’arrête, s’il n’y a pas d’appels pendant 3 ou 4 minutes., quand je reprends, c’est trop dur. Alors que quand j’ai des appels tout le temps, je m’en rends pas compte. En général je ne fais jamais de pause. Pour gagner du temps au maximum après. Et puis il y a les clients qui vous agressent, ça arrive souvent. Il faut traiter les cas. Bloquer l’agression sans attendre. Mais c’est dur ! On doit systématiquement prendre sur soi. Mais c’est pas facile ! Moi je n’y arrive pas toujours. En début de journée, quand on voit qu’on vient de faire 30 appels et qu’il nous en reste encore 80, ça, c’est très pénible. Le soir je rentre chez moi, je suis très fatigué. J’ai mal partout, de rester tout le temps assis à mon bureau. Je me mets devant la télé, je n’ai envie de rien. Je n’arrive pas à lire en rentrant, je suis passif, j’ai besoin d’être passif. Souvent je mets deux heures à décompresser. Ce sont des métiers qui usent vite. »

Dans les centres d’appels téléphoniques, des indicateurs permettent de souligner certaines difficultés rencontrées par les salariés et les entreprises :
  Un turn-over supérieur à la moyenne des autres secteurs d’activité (chiffré à plus de 20 % dans certains centres) qui peut nuire au bon fonctionnement de l’entreprise et témoigne le cas échéant d’atteintes à la santé et/ou au bien-être des salariés. Ce turn-over s’explique par des départs du fait de l’entreprise ou des salariés, mais aussi par des inaptitudes médicales prononcées par le médecin du travail.
Un taux d’absentéisme souvent supérieur à celui d’autres secteurs d’activité.
Ces indicateurs, conjugués à d’autres, peuvent servir à appréhender la santé globale de l’entreprise et de son personnel.
 

Une téléopératrice sous tension

Contraintes, risques pour la santé, et conséquences socio-économiques de mauvaises conditions
de travail dans les centres d’appels téléphoniques


Les manifestations cliniques observées par les médecins du travail chez les salariés du secteur sont notamment les suivantes :
  fatigue mentale, oculaire, physique et/ou auditive
troubles alimentaires et digestifs
troubles du sommeil
maux de tête
anxiété, irritabilité
troubles musculo-squelettiques
troubles dépressifs
symptômes d’épuisement.
Ces troubles peuvent être rencontrés de façon isolée ou associée. Ils trouvent leur origine dans l’organisation et les conditions de travail en centres d’appels.


Origine des troubles de la santé observés dans les centres d’appels téléphoniques
Facteurs psychosociaux
Contraintes d’ordre physique
Cadence imposée
Absence d’autonomie
Contrôle omniprésent de la productivité
Répétitivité des tâches, monotonie
Agressivité des clients
Anonymat dans les relations
Respect des scripts et des procédures
Horaires décalés, irréguliers
Absence de soutien collectif
Bruit (dans les casques et environnemental)
Exiguïté des locaux, des espaces de travail
Travail statique, sur écran de visualisation (luminosité, postures)
Température et hygrométrie ambiantes inadéquates



Contexte réglementaire

Il n’existe pas de réglementation spécifique aux centres d’appels téléphoniques. L’employeur et le préventeur doivent s’appuyer sur les principes généraux de prévention édictés par le Code du travail.

Code du travail : principes généraux de la démarche de prévention
Eviter les risques
Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités
Combattre les risques à la source
Adapter le travail à l’homme
, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé
Tenir compte de l’état d’évolution de la technique
Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux
Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants (…)
Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle
Donner les instructions appropriées aux travailleurs
Extrait de l’article L. 230-2 du Code du travail

Il existe une réglementation spécifique au travail sur écran, pouvant être appliquée aux centres d’appels téléphoniques (décret n° 91-451 du 14 mai 1991 et circulaire DRT n° 91-18 du 4 novembre 1991). Les grandes lignes de cette réglementation portent sur :
  l’analyse et l’organisation du travail sur écran, l’information et la formation des salariés, la surveillance médicale,
les équipements (écran, clavier, etc.) et les conditions d’ambiance (radiations, humidité, bruit, éclairage).
Pour en savoir plus, consulter notre dossier « Travail sur écran ».

D’autres dispositions peuvent être utiles au préventeur, notamment celles concernant la conception des situations de travail et les horaires atypiques de travail, qu’il s’agisse de travail de nuit ou de travail posté.



Démarche de prévention

Les fortes contraintes observées dans un certain nombre de cas peuvent entraîner à moyen terme une dégradation de l’état de santé des salariés (fatigue, stress, anxiété, troubles somatiques, épuisement nerveux…) et des difficultés pour l’entreprise (absentéisme, turn-over, difficultés de recrutement ou de maintien des compétences…). D’où l’importance de la prévention dans ce secteur.
Les mesures proposées dans ce chapitre doivent être considérées dans la perspective d’une démarche de prévention globale mise en place dans l’entreprise. La prévention doit être intégrée le plus en amont possible, en passant par des mesures d’organisation du travail, d’information et de formation du personnel.
La prévention sera d’abord technique et collective : conception et aménagement des espaces de travail, organisation globale.

  Evaluation des risques
L’évaluation des risques professionnels dans un centre d’appels devra s’appuyer sur les éléments suivants :
  des indicateurs globaux de santé de l’entreprise ou du secteur (taux de rotation du personnel, absentéisme, satisfaction-motivation, indicateurs de charge de travail…),
l’environnement matériel et humain (niveau sonore, encombrement des plateaux, ergonomie des équipements, relations hiérarchiques, modalités d’évaluation de la performance…),
l’appréciation par les salariés des conditions de travail (au moyen d’entretiens, de questionnaires…),
le bilan annuel du médecin du travail (pouvant mettre en avant des indicateurs chiffrés sur l’état de santé du personnel).

Cette démarche doit permettre d’identifier les facteurs de risques à traiter en priorité par l’entreprise.

Pour l’aider dans cette démarche, l’employeur peut notamment faire appel au Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et au médecin du travail.
  Le CHSCT, dans le cadre de sa mission d’analyse des risques, peut contribuer à cette évaluation des risques.
Le médecin du travail apportera sa collaboration sur la base de ses connaissances des situations de travail et de l’état de santé des salariés.

La retranscription de cet état des lieux dans le document unique doit permettre à l’employeur d’élaborer un plan de prévention approprié aux risques identifiés, y compris les aspects psychosociaux.

Pour en savoir plus, consultez notre dossier Web « Evaluation des risques professionnels ».

Combattre les risques à la source
Les mesures de prévention à mettre en place dans les centres d’appels résultent de l’évaluation des risques. Elles peuvent porter sur :
  l’organisation du travail,
l’environnement matériel et technique,
les relations de travail,
la tâche elle-même.

Toutes les actions énoncées ci-après sont complémentaires et contribuent à la réduction des risques mis en évidence dans ce secteur d’activité. Les mesures collectives, notamment celles portant sur l’organisation globale, sont à mettre en œuvre en priorité pour obtenir une efficacité à long terme et bénéficier à l’ensemble du personnel.
De plus, des actions ponctuelles d’ordre individuel (salariés présentant des troubles anxio-dépressifs par exemple) peuvent être nécessaires pour répondre à des impératifs d’urgence.

  Mesures portant sur l’organisation du travail
La mesure la plus simple à mettre en œuvre porte sur la mise en place de pauses régulières. Pour des activités sur écran comme celles rencontrées dans les centres d‘appels, une pause d’au moins 5 minutes est préconisée toutes les heures environ. Il est recommandé de bouger pendant cette pause. De plus, des pauses de courte durée sont souhaitables à la suite d’appels éprouvants.

Il faut cependant mener des actions de portée plus globale qui envisagent la gestion des ressources humaines sur le long terme :
  Mise en place de moyens humains et techniques suffisants pour répondre au flux d’appels à traiter.
Fixation d’objectifs réalistes, tenant compte des ressources humaines mises en place.
Répartition adéquate de la charge par personne et par équipe dans la journée, détermination des grilles horaires.

Comment déterminer des cadences de travail dans un centre d’appels téléphoniques ?
Il n’y a pas de référence absolue en matière de cadences et de charge de travail. La détermination de cadences de travail par l’entreprise doit passer par une appréciation de ce que les salariés peuvent prendre en charge sur le long terme.
Les cadences prescrites ne peuvent être établies sur la seule base des performances attendues de salariés jeunes, performants et « en pleine forme », sur une période courte. En effet, cela risque de susciter un sentiment d’échec pour tous les autres (moins en forme, moins jeunes, après quelques années de pratique). Cela peut également amener à un taux de rotation élevé, coûteux et générateur à terme de difficultés de recrutement. A moyen terme, les conséquences pour la santé d’un rythme de travail trop élevé sont des signes d’épuisement, que seul un retrait de l’environnement de travail permettra de faire disparaître.

Lorsqu’une organisation représentative du personnel existe dans l’entreprise, elle devra être partie prenante de la détermination de ces cadences de travail.

Les modalités d’encadrement doivent permettre aux salariés de conserver une certaine autonomie dans leurs activités. Elles prévoiront par exemple que les téléopérateurs puissent :
  moduler leur charge de travail suivant les périodes,
alterner, quand les nécessités du service le permettent, les tâches de prise d’appels avec d’autres tâches (rédaction de courrier ou de courriel, complétion des dossiers clients),
participer à la composition des équipes.

Le suivi de la performance ne doit pas être excessif. Une pression continue et un sentiment de surveillance permanente sont sources d’anxiété.

Il est souhaitable d’éviter de donner des consignes pouvant être perçues par le salarié comme contradictoires. Par exemple, les situations où l’encadrement exige performance, imagination, adaptabilité dans la relation avec le client, alors que l’organisation impose des durées d’appels, des modalités d’interaction prédéfinies et des objectifs quantifiés, doivent être évitées.

Face aux difficultés et aux risques spécifiques rencontrés dans ce secteur, une formation et/ou une sensibilisation du personnel à la prévention est à prévoir. Elle doit notamment porter sur la charge émotionnelle (souvent importante lors de relations tendues voire agressives avec des clients) et ses modes de gestion.

Par ailleurs, il est également important de proposer des possibilités d’évolution internes ou externes, par des formations qualifiantes.

Mesures portant sur l’environnement matériel et technique
Ces mesures portent essentiellement sur la conception et l’aménagement des situations de travail
dans les centres d’appels : dimensionnement des espaces, choix des équipements de travail, éclairage, ambiance thermique et acoustique… Tous ces points sont détaillés dans la fiche pratique de sécurité « Les centres d’appels téléphoniques », rédigée par le groupe national « Conception des locaux et situations de travail » (ED 108).

Les préconisations générales relatives au travail sur écran doivent être prises en compte dans cet aménagement des situations de travail. Elles portent notamment sur les dispositions du matériel, sur l’éclairage et sur le mobilier.
Pour en savoir plus, consultez notre dossier web « Travail sur écran ».

Enfin, il est important de donner au téléopérateur la possibilité de varier ses postures de travail, voire d’effectuer quelques pas en travaillant pour se détendre...
 

Un exemple d’aménagement de l’espace de travail dans un centre d’appels téléphoniques
Dans la même perspective, la mise à disposition d’un espace de détente, à l’écart du plateau, est conseillée.

Actions relatives au bruit dans les centres d’appels téléphoniques
L’INRS a constaté que pour environ un quart de centres d’appels en France, les niveaux sonores dépassent les seuils admissibles, ce qui ne peut qu’entraîner à terme des surdités. De plus, ces niveaux sonores élevés nuisent à l’efficacité d’un travail exigeant de la concentration. Il importe donc de réduire autant que possible le niveau sonore dans les centres d’appels. L’astreinte sonore résulte à la fois du volume généré par le casque d’écoute utilisé dans ce secteur et de l’ambiance sonore au niveau de l’environnement de travail. Le casque doit cependant permettre une gestion confortable de la communication avec le client. On considère qu’un écart de 25 décibels entre le niveau ambiant et le niveau des conversations est nécessaire.

Une mesure pertinente du niveau d’exposition au bruit, du fait de l’utilisation du casque, doit être réalisée dans l’oreille du téléopérateur. Peu de laboratoires sont équipés pour effectuer ces mesures. La durée journalière d’exposition est également à prendre en considération dans cette évaluation de l’exposition.

La réduction du bruit passe notamment par :
  un choix d’appareils peu bruyants (conditionnement d’air, chauffage, ventilation, ordinateurs) ;
le traitement acoustique des parois et du plafond du local ;
l’espacement des postes de travail ;
l’utilisation de casques dont le niveau sonore est limité, cette limite tenant compte du niveau de bruit ambiant sur le plateau et de la durée d'utilisation quotidienne (niveau d’exposition sonore en tout état de cause inférieur à 85 décibels) ;
la réduction de la durée d'exposition au bruit par l’alternance de tâches avec ou sans casque ;
des modifications de l’organisation du travail permettant d’agir soit sur le volume sonore, soit sur l’exposition, soit sur la durée d’exposition.

Les salariés doivent de plus être informés sur le risque auditif et formés à l'utilisation de leur poste téléphonique ainsi qu’au réglage du volume sonore.

Pour en savoir plus, consultez notre dossier web « Bruit », ou notre étude sur le bruit dans les centres d'appel (NS 289).

Mesures portant sur les relations au travail
Les mesures considérées dans ce chapitre portent principalement sur les échanges collectifs, les relations informelles avec des collègues et les relations avec la hiérarchie (en dehors d’un contexte d’évaluation).

Dans les activités générant une tension émotionnelle, notamment les métiers de relations clients, les mesures suivantes sont préconisées :
  Prévoir des lieux et des moments (pauses) favorisant les échanges informels (qui permettent d’évacuer les tensions professionnelles).
Permettre les échanges professionnels entre téléopérateurs pendant le travail, bénéfiques au climat général de l’entreprise comme au développement des compétences.
Tenir compte des affinités entre les personnes lors de la constitution des équipes.
Elaborer des dispositifs de formation permettant un échange sur le vécu au travail.
Créer un climat d’écoute mutuelle (horizontale et trans-hiérarchique).
Mettre en place, le cas échéant, des groupes de parole, permettant l’expression du vécu, l’échange d’expériences, notamment sur le plan émotionnel, et favorisant l’entraide.

Mesures portant sur la tâche elle-même
Il est important de mettre en place des mesures permettant de limiter la monotonie du travail, particulièrement dans les centres d’appels caractérisés par une forte répétitivité des tâches et par des cadences importantes.

Ces mesures peuvent consister à :
  Prévoir des pauses régulières permettant au téléopérateur de quitter son poste de travail.
Alterner des communications de natures différentes (vente, conseil…).
Concevoir des profils de poste intégrant d’autres activités (par exemple traitement de courriers postaux et électroniques).
Proposer au personnel de participer, pour des durées limitées, à des activités transversales du type projets, à des groupes de réflexion prospectifs, à la mise au point de nouveaux produits ou de procédures de travail…

Mesures d’ordre individuel
Ces mesures concernent l’individu dans son positionnement et son comportement face à son environnement de travail. Elles impliquent aussi bien le personnel d’encadrement que le téléopérateur lui-même. Elles ne pourront répondre qu’à des problématiques ponctuelles, individuelles. Elles doivent être considérées comme des réponses à des situations d’urgence (stress caractérisé, épuisement professionnel). Elles ne présentent que peu d’efficacité à long terme face à une problématique collective, car elles ne portent pas sur les difficultés de fond de l’entreprise.

On peut souligner que les problèmes constatés à un niveau individuel peuvent constituer un signal d’alarme d’un malaise plus large, et servir à la recherche de mesures de portée collective.

Mesures concernant le personnel d’encadrement dans les centres d’appels
Etre à l’écoute des personnes en difficulté.
Etre attentif aux personnes fréquemment absentes ou en baisse de performance.
Informer ces personnes des possibilités de soutien au sein de l’entreprise (services de santé au travail, ressources humaines, services sociaux…), ou auprès de structures externes.
Signaler au niveau supérieur les problèmes rencontrés, notamment lorsque ceux-ci concernent plusieurs personnes.

Mesures concernant le téléopérateur confronté à des troubles de santé
liés à son activité
Etre attentif à ses « baisses de régime » : difficultés à atteindre ses objectifs, sentiment d’échec.
Eviter de rester isolé, tant dans la sphère privée que professionnelle :
  - Parler de ses difficultés (baisse de moral, anxiété, insomnie, fatigue extrême, dépression…) au médecin du travail qui l’orientera vers des solutions adaptées.
- Dialoguer avec les personnes de l’entreprise (collègues, représentants du personnel, membres du CHSCT, encadrement).              Source: inrs.fr
    

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